samedi 15 juin 2013

Mon coeur se retourna



Alain aimait dire ce poème de Lanza del Vasto
J'aime l'écouter.
(C'est à vélo et en famille, après une session sur la non-violence à Pomeyrol, que nous avons fait halte dans la communauté de Lanza del Vasto à la Borie Noble. Chants et danses. 
Je revois surtout l'école, un espace ouvert sur le monde. 
Alain m'en parlait quelquefois. Dans mon souvenir, les murs sont couverts de dessins. 
J'avais 15 ans et je suis aujourd'hui prof d'arts plastiques, sans l'avoir prévu. 
Nos murs se couvriront-ils de dessins ?)
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La grande peur
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La nuit tombait.
La route s’enfonça dans la forêt plus noire que la nuit.
J’étais seul, désarmé.
J’avais peur d’avancer, peur de reculer,
peur du bruit de mes pas,
peur de m’endormir dans la nuit redoublée.
J’entendis les craquements sous bois
et j’eus peur.
Je vis luire entre les troncs des yeux de bête
et j’eus peur.
Puis je ne vis plus rien
et j’eus peur, plus que jamais.
Enfin, de l’ombre, une ombre sortit,
qui me barra la route et me dit :
« Allons ! fais vite : c’est la bourse ou la vie ! »
et je fus presque soulagé par sa voix d’homme
car j’avais d’abord cru rencontrer
un fantôme ou un démon.
Il dit : « Si tu te défends pour sauver ta vie,
je prendrai d’abord ta vie et ta bourse ensuite.
Mais si tu me donnes ta bourse
seulement pour sauver ta vie,
je prendrai d’abord ta bourse et ensuite ta vie. »
Mon cœur s’affolait, mon cœur se révoltait.
Perdu pour perdu, mon cœur se retourna.
Je tombai à genoux,
je criai : « Tout ce que j’ai, prends-le, Seigneur,
et tout ce que je suis. »
Aussitôt la peur me quitta et je levai les yeux.
Il n’y avait devant moi que lumière.
La forêt en était toute verte.

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