dimanche 9 juin 2013

Celui qui marchait si vite et d'un si bon pas...

Depuis octobre 1957, date de notre première rencontre, nous avons été des amis très proches. Nous avons travaillé ensemble, cheminé ensemble, et pour cheminer à côté d'Alain, il fallait avoir de bonnes jambes et presser le pas, comme vous savez.
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Nous sommes plein de gratitude vis à vis d'Alain et nous avons de lui un souvenir lumineux que nous évoquons aujourd'hui et demain et encore et encore...
Trois témoignages spontanés :
  • de mon fils aîné, alors enfant, devenu depuis médecin : "Alain m'avait expliqué pourquoi la Maison de retraite Darcy était fort appréciée dans tout le pays. C'est, m'avait-il dit, parce que les sœurs et le personnel ne laissaient jamais seuls les mourants."
  • de mon plus jeune fils qui avait huit ans et sa sœur quatre ans : "Alain nous faisait toujours un cadeau lors de son passage. Une fois, il nous a donné 10 francs chacun : cinq pièces à ma sœur et à moi un billet. -Ta sœur est petite, cinq pièces ce sera marquant pour elle ; toi, je te donne un billet car tu sais que c'est la même chose." Alain avait le chic pour faire le geste qui plaît aux enfants, pour dire les mots qui les mettaient en valeur.
  • de moi-même cette prise de conscience : en cinquante ans, nous avons beaucoup marché côte à côte, jamais je ne l'ai vu ne pas s'arrêter, parler et donner de l'argent à un mendiant ou à un quémandeur. "Je ne sais pas comment vous faites..."
Alain a créé les CART en 1969-1970 à Poitiers et à Arvert pour aider de jeunes adultes handicapés à trouver une place au sein de la société et en particulier dans le monde du travail. Il avait compris que l'on ferait un tort majeur à ces jeunes en les coupant du tissu social. En 2000, l'administration a fait un audit, suivi d'une rencontre avec tous les personnels, des travailleurs sociaux. La première phrase de l'Inspectrice, peu suspecte d'indulgence, a été celle-ci : "Le CART a trente ans, il n'a pas pris une ride."

C'était sa façon de venir à nous, large sourire, bras ouverts, on avait le sentiment d'être brusquement, instantanément ailleurs... comme si un prince nous accueillait dans son domaine... c'est l'image qui m'est venue spontanément.

Si l'on était en panne, on pouvait demander écoute, avis, conseil, réconfort.
Sur les recherches d'Alain, nous avons tous admiré son énergie inlassable, reçu des bienfaits de ses soins, mais aussi été déroutés par sa pensée. Beaucoup de ses réflexions et recherches nous sont restées opaques. Mais nous constations tous qu'Alain était habité par une formidable énergie et que c'était le sujet ou l'objet de sa recherche. Alain était un grand intuitif : certains de ses patients, de ses élèves, pourront peut-être éclairer à leur tour la pensée de celui qui marchait si vite et d'un si bon pas.

Michel

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