« […] Alors j’ai commencé une
danse que je ne connais pas, une danse qui a coulé dans mes gestes en
mouvements souples, lents ou rapides, suivant un rythme inconnu… J’ai dansé, c’est-à-dire
que pour la première fois de ma vie, j’ai compris ce qu’était une danse :
je m’étais ouverte à la vie dansante qui nous anime toutes et tous. Je dansais
bien sûr la danse des éléments : je dansais l’eau, le feu, la terre, l’air,
je dansais la montée de la sève, je dansais l’hiver, la force du printemps, je
dansais la joie de mourir, la joie de vivre, la joie de naître, je dansais la
course du temps, je dansais l’espace qui s’enroule sur lui-même. Je dansais
aussi la danse des aurores boréales, le souffle qui vient d’ailleurs, je
dansais la connaissance qui s’insinue dans chaque articulation, qui pénètre
dans un corps, qui coule dans la cellule… Je chantais la connaissance infinie
qui fait s’épanouir la feuille : elle venait dans mes yeux et mes yeux
scintillaient, je les sentais pulser.
J’ai
compris que mes yeux donnent la lumière autant qu’ils la prennent et c’était
une joie étonnante pour moi de vivre la pulsation de mes yeux. Je sentais que
mon œil droit et mon œil gauche fonctionnaient en un balancement lent et
puissant en deux dimensions différentes. J’ai perçu ce double balancement
gagner ma tête, et à l’intérieur de ma tête, une pulsation lente et
irrésistible. J’étais animée par cette pulsation qui a gagné lentement tout mon
côté droit et tout mon côté gauche. Au-dessus de ma tête, une zone de silence,
un espace silencieux s’est formé qui, lui aussi, entrait dans la danse, un
silence pulsatoire … et là, la pulsation jumelle accueillait le Troisième,
Celui dont je ne peux rien dire, le feu subtil, l’intense, la source, l’abstraction
vivante, le germe, la semence.
Alors
j’ai connu le mouvement et j’ai compris que le mouvement c’est une
superposition harmonieuse de trois danses : la danse musculaire, la danse
intérieure du rythme des énergies et la vibration incroyablement rapide de l’Esprit
qui module des sons qui, à eux seuls, sont d’éclatantes symphonies… J’ai dansé
les trois, j’ai dansé les trois simultanément. […] »
Extrait
Alain Masson, La Lumière qui voit, document
de travail, janvier 1998, p.52
C’est Jeanne, un personnage du
récit, qui nous raconte.